Les Goûters Philo face à PhiloZenfants
--> par Sabrina Blondel et Céline Tauvry
Avant de juger de la qualité philosophique des documentaires jeunesses Goûters Philo et Philo Zenfants, arrêtons-nous sur la définition même de la philosophie. Selon le Larousse, la Philosophie est l’activité de la pensée qui s’assigne pour fin une réflexion sur les êtres, les causes et les valeurs envisagées au niveau le plus général. Concernant la généralité des thèmes, Goûters Philo en aborde une trentaine, reprenant un concept et son contraire.
Ainsi on peut trouver la vie et la mort, la beauté et la laideur, l’amour et l’amitié, la guerre et la paix, la justice et l’injustice, etc. Philo Zenfant, aborde sept thèmes : la liberté, la vie, le bien et le mal, les sentiments, soi-même, le savoir, la vie en communauté. Les thèmes choisis peuvent effectivement être sujet de réflexion philosophique et donc apparaître légitimement dans chacune des deux collections qui revendiquent leur affiliation à cette discipline. Pour autant Goûters Philo et Philo Zenfants semblent ne pas avoir d’autre point commun. Sur la forme d’abord. Outre le format qui n’a rien à voir (12 x 18 cm pour les Goûters Philo et 23 x 17,5 cm pour Philo Zenfants) la vision des éditeurs semble complètement différer concernant les auteurs et les illustrations. Les Goûters Philo ont choisi deux auteurs (Brigitte Labbé Brigitte / Michel Puech) qui collaborent sur la plupart des livres, et un seul illustrateur (Jacques Azam). Cette constante des graphismes part probablement d’une volonté de donner des points de repère aux lecteurs, et une identité à la collection. Philo Zenfants a choisi un seul auteur (Oscard Brenifier) mais un illustrateur différent pour chaque livre. Aussi chaque illustrateur s’approprie-t-il le thème, en le différenciant d’un autre abordé dans la collection. L'identité de Philo Zenfants se trouve dans la forme du livre et son découpage caractéristique s’apparentant à un cahier de texte (avec des onglets latéraux). Dans les contenus la collection les Goûters Philo se structure autour du texte (très linéaire), alors que Philo Zenfants donne une priorité aux images. Au-delà de ces divergences formelles, les Goûters Philo et Philo Zenfants ont une vision dissemblable de la manière d’appréhender la réflexion philosophique en elle-même. Les Goûters Philo posent une situation de la vie courante, analysent les comportements de chacun, tendant à inciter l’enfant à s’interroger sur la légitimité de cette situation. Ce processus semble avoir pour objectif de mettre à mal les préjugés, et donne implicitement les clés d’un comportement alternatif, conforme aux valeurs attendues par la société. Bien sûr le livre pousse l’enfant à la réflexion, mais il lui apporte des éléments de réponse. L’objectif semble être de remplacer les préjugées par d’autres valeurs morales. Or, dans la définition de la philosophie, la réflexion est une fin en soi. Autrement dit peu importent les réponses. Amener l’enfant à conclure sa réflexion par une réponse induite dès le départ peut-il être considéré comme de la philosophie ? N’est-ce pas plutôt la transmission de la moralité telle qu’on peut le voir en éducation civique (respecte les autres, sois ouvert d’esprit, cherche à comprendre avant de juger …) ? Philo Zenfants, dans une logique inverse, n’apporte aucun élément de réponse. Les livres ne s’articulent qu’autour de questions, laissant l’enfant libre de toute réflexion. Pour autant, comment savoir si sa réflexion sera complète et sensée ? Philo Zenfants est mis dans les mains de l’enfant comme un outil de réflexion, mais peut-on employer un outil efficacement sans en avoir le mode d’emploi ? Conclusion : Un style littéraire, peu d’images, une lecture qui peut se faire indépendamment d’un accompagnement, voilà ce qui caractérise les Goûters Philo. Un style condensé, basé sur le graphisme, une lecture qui doit être accompagnée par un adulte pour encadrer la réflexion, voilà ce qui caractérise Philo Zenfants. En accordant autant d’importance à la réflexion qu’à la réponse, les Goûters Philo s’éloignent sans doute du concept même de philosophie. Aussi peut-on accorder plus de crédits aux Philo Zenfant sur ce point. Néanmoins, nécessitant la présence d’un adulte le niveau philosophique de la réflexion dépendra de la méthodologie adoptée par l’accompagnateur. En effet, s’il veille à ce que l’enfant ne s’éloigne pas du thème ou s’il le renvoie vers d’autres questionnements, on pourra parler d’une réelle réflexion philosophique. Or, si la médiation de l’adulte induit des réponses conformes à des valeurs attendues, le résultat ne sera pas différent des Goûters philo et perdra de sa nature philosophique.
Ecrit par Sabrina Blondel et Céline Tauvry, le Mardi 29 Novembre 2005, 07:24 dans la rubrique "Le documentaire Jeunesse".
Commentaires
Ridicule
Anonyme
07-10-06 à 14:43
Il est surprenant de voir que les professeurs de philosophie, et les auteurs de cet article, passent beaucoup de temps à dire de la production des autres que "ce n'est pas de la philosophie", comme si l'étiquette disciplinaire, c'est-à-dire en réalité l'allégeance corporatiste, était une valeur, ou une fin en soi. Il y a tellement de choses belles et/ou bonnes à faire dans la vie, en dehors des soumissions corporatistes.
Michel Puech
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